Votre monde pendant un instant: Exposition #1, saison 4
Curation de l'exposition : Caroline Boudehen
52 rue Charlot, 75003 Paris
Ça se passe dans la poitrine, le ventre, la peau qui se hérisse.
La beauté. Celle d’un instant fugace, d’un détail illuminé par le regard. Les sens en alerte. Un moment suspendu, précis, éphémère – ce que Jankélévitch appelait le primultime. Insaisissable, mais auquel l’attention permet de se raccrocher.
La beauté, que la conscience révèle, éveille, exalte.
Est-ce cela qui lie les œuvres de Charlotte Barrault, Dalila Belkacemi, Julia A. Etedi, Magalie Pouillard et Andrea Weber ?
Elles saisissent l’instant, le traversent, l’explorent comme un territoire. L’œuvre devient loupe, révélant des fragments du monde, en dialogue entre intime et universel.
Chacune trace sa cartographie. Nature, mémoire, sensation. Un panorama d’émotions, de textures, de regards. Un trouble.
Dalila Belkacemi glane, collecte, agence. Ses matériaux – bribes de quotidien, textiles, papiers – s’assemblent avec intuition. Dans l’aléatoire, une racine invisible demeure. Elle capte les métamorphoses du temps, l’empreinte de l’instant.
Charlotte Barrault cueille les paysages en bouquets, observés depuis l’intérieur. Des fleurs, des morceaux d’ailleurs. À travers une observation méditative du monde, elle peint avec une acuité inspirée de peintres symbolistes (Redon), de peintres nabis (Bonnard) ou plus anciens (Fantin Latour). Un dialogue entre codes classiques et regard contemporain.
Chez Julia A. Etedi, la nature devient rythme, vibration, danse. Elle peint les éléments comme des pulsations, des sensations originelles. Chaque œuvre est une sismographie du vivant, reliant la matière et l’émotion dans un souffle de couleurs, de gestes, de matières. Andrea Weber s’est confrontée à la nuit polaire. Dans ses toiles, lumière et obscurité s’équilibrent. Cercles et lignes apparaissent puis s’effacent. Son acrylique se révèle peu à peu, comme un négatif photographique. L’œuvre respire, trace une cosmogonie où chaque signe est à la fois contrôle et abandon.
Magalie Pouillard, elle, ancre le regard dans l’ordinaire sublimé. Elle revisite Manet, évoque la mode ancienne, capte le charme d’un geste, d’un objet, d’un instant. Par le pastel, l’aquarelle, la céramique, elle réenchante le quotidien avec grâce.
Partout, il s’agit de sensualité. Une sensualité qui imprègne le geste, la matière, le regard. Dans ces œuvres, cousues, peintes, dessinées, assemblées, se dessine une même tension : un espace intérieur tourné vers l’extérieur. Un lieu-refuge, une pièce-paysage, où chaque fragment est ressenti, porté avec soin.
Georgia O’Keeffe disait : « Il est rare que l’on prenne le temps de regarder une fleur. Si vous prenez une fleur dans votre main et que vous l’observez attentivement, elle devient votre monde pendant un instant. »
Photos de l'exposition : © Romain Darnaud