Beaux Arts Magazine

La Tribune de Beaux Arts Magazine
Margaux Derhy, Papier, Avril 1, 2025

Faire communauté : l’amitié comme force créative. 

Basé sur le principe bienveillant de la sororité, le cercle artistique mis en place par l’artiste franco-marocaine a dépassé ses attentes.

 

L’été dernier, en visitant «Herstory», la rétrospective de l’artiste féministe américaine Judy Chicago à Luma Arles, j’ai été saisie par la puissance de son œuvre et par la manière dont elle envisage l’art, non pas comme une simple expression individuelle mais comme une forme de communauté, de soutien et de transmission. Cette exposition m’a poussée à lire sa bio- graphie, Through the Flower – Mon combat d’artiste femme (1975), où elle retrace son parcours tout en décryptant les dynamiques de genre et les obstacles auxquels les femmes plasticiennes se heurtent. J’y ai trouvé une résonance avec mes propres expériences ainsi qu’une idée fonda- mentale : l’importance de faire communauté, non seulement pour surmonter les douleurs du «système», mais aussi pour s’épanouir véritablement en tant qu’artiste. Les rélexions de Judy Chicago font écho aux théories contemporaines du Care, notamment dans les travaux de la phi- losophe française Cynthia Fleury, laquelle explore la dimension éthique et politique du soin.

Se serrer les coudes pour mieux s’épanouir. 

Pour moi, l’amitié entre créatrices s’inscrit dans cette logique : une relation fondée sur la coniance, le soutien, le partage d’expériences et la co-construction de récits. Dans un contexte où les artistes sont souvent isolés et fragilisés par la précarité et l’instabilité de leur parcours, ces amitiés se transforment en véritables espaces de résistance. C’est cette philosophie qui guide mon engagement avec l’association Le Cercle de l’Art (lecercle.art). Ce projet est né en 2020 de la volonté de bâtir une communauté solidaire d’artistes femmes francophones, tout en leur permettant d’accéder à une meilleure autonomie financière.

L’une de nos particularités étant d’avoir trouvé un moyen de se verser un revenu mensuel avec l’«Art Month», un mois (cette année, du 29 mars au 30 avril) consacré à l’exposition et à la vente d’œuvres aux collec- tionneurs via un système de mensualités sur 12 mois. Après quatre ans, je réalise à quel point les relations amicales nées de ce Cercle inluencent profondément non seulement notre manière de créer, mais aussi notre manière de penser. Le Care devient ici une véritable praxis artistique : une façon d’envisager la création non dans l’isolement mais dans la multiplicité, le dialogue et l’ouverture à l’autre. En nous écoutant et en nous regardant mutuellement, nous trouvons chacune en nous une force inégalée pour innover, oser sortir des sentiers battus et inalement nous réinventer... Ce constat est vraiment saisissant et réjouissant. Ce que Le Cercle de l’Art m’a prouvé, c’est que la communauté ne diminue pas la singularité de l’artiste, mais au contraire l’amplifie.

 

La force que nous nous transmettons est devenue un moteur de création.

 

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