Ce qui nous touche: Exposition #2, saison 4
Curation de l'exposition : Albane Herrgott
9 rue du Pont Louis-Philippe, 75004 Paris
«Il ne faut pas peindre ce qu’on voit, il faut peindre ce qu’on sent.»
Henri Jeanson
Au cœur de l’essentiel de cinq artistes françaises réunies en collectif, l’exposition « Ce qui nous touche » propose un voyage. Cinq regards ainsi posés sur les émotions de la vie. C’est, de fait, un joli tableau que composent ces sensibilités, réunies par leur marraine Agnès Decourchelle.
Chacune de ces exposantes s’est confrontée à son paysage intérieur, y a plongé totalement pour nous en restituer une synthèse sensible, encapsulant qui les odeurs, qui les lumières, qui les matières...
De multiples médiums accordent la part belle à un large éventail de matières, familières, détournées, glanées. Car bien sûr, il y a la toile et son châssis, le cadre et le papier, l’apparence classique d’une exposition ou l’on reconnaitra la peinture et la photographie, l’encre et le cyanotype. Mais encore, mais pas que ...
L’on y découvre la transparence voilée que la cire offre aux dessins, leur ouvrant parfois le statut d’objet ;
L’on y retrouve le fil - tissé et détissé - et avec lui les temps longs et le geste répété. Précieux dans le cas de la broderie, paré d’or parfois, il sait également investir un imaginaire brut avec des trames de sac de toile de jute désossées. La mémoire du textile et la douceur associée se rappelle à nous. Au détour du galon d’une légère robe d’été, ce sont toutes les fillettes qui nous chuchotent le poids de ces matières dans les souvenirs et le lien.
Le stylo bille quant à lui, emblème d’une modeste simplicité ou le feutre fatigué capturent le mouvement, nous parlant discrètement de cette énergie particulière de la main.
Tout comme les traces calligraphiées à l’encre nous invitent à percevoir la place sous-jacente de la chorégraphie.
A chacune son langage, à chacune ses mots, à toutes le soin d’élire une matérialité personnelle, originale et attachante. Une variété qui participe à la richesse de ce groupe dont les chemins se croisent, convergent parfois, dans un dialogue d’une grande sincérité.
Ces paysages tout en sensibilité nous invitent à une promenade personnelle, convoquant ici et là souvenirs et gestes anciens d’aïeul.e.s. En filigrane, il y est ainsi question de survie et de transmission. Il y est question du geste et du mouvement, de méditation et ainsi l’idée de déconstruire s’impose en tant que chemin vers l’essentiel.
Si l’on tend bien l’oreille, derrière une couche de cire ou une découpe de cuir,
se murmurent tant d’histoires : un souvenir, une envie, une identité, la sensation
d’un mouvement, la fraîcheur d’une lumière. On y respire la brume du matin ou l’iode
du soir, l’odeur du lait chaud et de l’enfance, l’interminable lumière qui s’étire et le brusque effarement des phares.
Paysages intérieurs et quête de soi, une certaine résonnance s’impose œuvre après œuvre.
Car si « Il ne faut pas peindre ce qu'on voit, il faut peindre ce qu'on sent.», assurément, les artistes présentées ici jouent la carte de leurs essentiels respectifs.
Et de ce qui les touche... Elles nous le partagent.
Photos de l'exposition : © Romain Darnaud