Territoires Sensibles: Exposition #8, saison 4
Curation de l'exposition : Inès Frachon
6 rue Elzévir, 75003 PARIS
Habiter la Terre, c’est entrer en résonance avec elle, épouser ses reliefs, ressentir ses pulsations et écouter son souffle profond. L’explorer c’est accepter d’y inscrire une trace tout en accueillant l’empreinte qu’elle dépose en nous.
De l'argile aux fibres textiles, des pigments aux vibrations chromatiques, chaque œuvre de cette exposition murmure l’indicible, une cartographie intime qui interroge la relation profonde entre l’humain et son environnement, où la mémoire et la matière répondent à la fragilité du vivant et à la puissance des éléments.
L’acte de créer peut être une forme de soin, un engagement corporel et sensoriel. Carla Talopp, en symbiose avec son environnement, fait danser la couleur sur la toile dans un élan vital. Ses peintures, imprégnées d’une énergie intuitive, captent les cycles naturels et les états intérieurs. Son processus créatif, proche d’une transe, est une célébration, une quête de lumière où chaque nuance chromatique vibre d’une présence. Son art, empreint d’une profonde écoute du vivant, devient un territoire de réconciliation.
Observer, arpenter, saisir l’instant avant qu’il ne s’évapore, c’est dans cet état de veille
qu’Emmanuelle Blanc collecte les fragments d’espaces et de temps où l’humain s’efface pour laisser toute sa place aux puissances telluriques. L’eau, élément omniprésent dans ses photographies, est un miroir de notre condition : mouvante, précieuse, fragile. Chaque image est un manifeste où l’homme doit prendre conscience de son appartenance au monde.
Quant à Karima Duchamp, elle explore à l’instar d’un palimpseste. Dans ses céramiques et ses peintures, la superposition des couches d’argile et de couleurs évoque l’accumulation des strates du temps, où chaque fissure devient récit. Elle empile, déconstruit, grave la mémoire des êtres et des éléments, rendant visibles des forces invisibles qui traversent les corps et les âmes. Des silhouettes surgissent, vestiges d’un monde en mutation, témoins d’une transmission à la fois fragile et puissante.
Puis vient la transparence, la douceur d’un souffle suspendu. Les peintures de Marion Vallerin sont des fenêtres ouvertes sur une intériorité, une oscillation entre le moi et l’autre, entre le monde et l’intime. Sur la toile ou la soie, la couleur devient vecteur de sensations, une trace fugace de l’émotion. Son art est un passage, la retranscription d’une sincérité d’être au monde et d’y trouver sa place.
Et c’est alors que le silence devient langage. Victoria Tanto tisse patiemment l’imperceptible. Le fil, élément humble et ancestral, devient la trace d’un temps long, celui de l’observation attentive et de l’écoute du monde. À l’aide de bobines de récupération, elle prolonge l’histoire des matériaux et assemble, torsade, transforme la matière dans une lente alchimie, lui offrant une nouvelle densité. Loin de l’accélération contemporaine, son art est une méditation, un retour au souffle premier. Peu à peu, la couleur surgit en nuances ocres, telle une empreinte organique, un écho de la terre elle-même.
Comme des passeuses d’une humanité en métamorphose, ces cinq artistes inscrivent la sensibilité dans la matière, tracent un territoire où l’homme ne domine plus mais coexiste, écoute, se laisse traverser afin que ces territoires sensibles se transforment en terres lumineuses et ostensibles.