Carla Querejeta Roca Espagnole, 1979
Heidegger a dit un jour que « créer de l'espace, c'est offrir du lieu gratuitement ».
Mon approche de la matière se nourrit de sources spatialistes. Lucio Fontana affirmait que « ce n'est plus la figure comme peinture, mais la peinture comme figure qui est détruite, perforée » ; c'est là l'objet artistique. Parce que tout art est création-destruction et qu'un acte ne peut aller sans l'autre, j'ai commencé, dans mon propre travail, à couper, casser et déchirer afin de réparer et de reconstruire à partir de débris. Représenter des espaces, mais leur créer un nouvel espace, leur conférer une nouvelle entité.
J'applique les principes déconstructionnistes à la peinture : la rupture, la fragmentation de l'espace, un chaos mesuré, comme moyen de recherche et de travail vers une nouvelle construction-déconstruction de la réalité. L'espace créé pour accueillir l'espace. Les architectes déconstructionnistes sont partis de structures classiques pour, après un processus de reformation structurelle – un processus profondément vital de destruction-construction – créer de nouveaux espaces-réalités. Je suis ces principes en peinture. Des espaces hébergés dans une nouvelle réalité qui fusionne avec eux et leur offre une nouvelle existence. Un être en soi. Ce chaos mesuré est à la fois une provocation et un laisser-être, une fin et une destruction, une reconstruction. Une dynamique sensible et sensorielle. De nouveaux espaces s'offrent au spectateur, qui sera celui qui les habitera et les traversera. Des espaces où nous pourrons nous réinventer au plus profond de nous-mêmes. Des espaces où nous réhabiter, réexister, recréer.
Mes espaces sont, finalement, une image de la construction identitaire. Ces structures sont aussi une reconstruction de moi-même, de mon monde intérieur, qui se brise et renaît sans cesse. C'est une quête d'identité, elles parlent de moi, mais elles sont pour les autres, car je ne m'intéresse pas à savoir ce que j'ai été, mais plutôt que quelqu'un d'autre puisse être, à travers mes œuvres. Qu'il les traverse d'une autre manière, qui ne sera que la sienne. Car nous avons tous dû, dans notre construction personnelle, citoyens d'un monde devenu petit, migrants, intégrer ce qui n'était pas le nôtre. Fais-la nôtre, transforme-la, crée cette nouvelle unité que nous sommes.
Et puis détruis ce que j'ai été. Sois aujourd'hui. J'ai détruit mes peintures pour en faire mes sculptures textiles, des peintures résilientes qui connaissent une nouvelle vie inattendue. J'ai détruit mes peintures pour les avoir portées, habillées, pour être moi-même, pour être aujourd'hui.